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Extension de l’Hyper U : Notre lettre à la Commission Nationale d’Aménagement Commercial

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Suite au passage en Commission Nationale d’Aménagement Commercial du dossier concernant l’extension de l’Hyper U, nous avons pris l’initiative d’écrire un courrier aux membres de cette commission.

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Le 7 mars 2022 à Vitré, 

Monsieur, 

Dans le cadre du projet d’extension de l’enseigne HYPER U à Vitré, nous avons, en tant qu’élus locaux,  émis un avis sur la pertinence de ce dernier et sur ses conséquences à la fois en conseil municipal et  dans la presse locale.  

Avant toute chose, il est à noter que nous agissons dans le cadre de l’intérêt général de la ville et non  au nom d’un intérêt privé ou commercial. Ainsi, notre vision d’élus locaux concerne, en 1er lieu,  l’aménagement du territoire et ses conséquences économiques et sociales.  

Dans le cadre de l’avis par la Commission Nationale d’Aménagement Commercial, voici une synthèse  de nos observations. 

Le pays de Vitré, déjà sur-doté, en hypermarché 

Principalement associée au développement des villes moyennes, la question du développement des  surfaces commerciales en périphérie et notamment des hypermarchés est fondamentale et  directement corrélée à l’attractivité des cœurs des villes. Il s’agit là d’un enjeu économique, environnemental et climatique important. D’où notre implication sur cette question qui relève de choix  politiques en terme d’aménagement du territoire.  

L’extension alors demandée de 1000 m2 d’une grande surface à Vitré nécessite de faire le point sur  l’offre déjà en cours. Le pays de Vitré est bien doté, même « sur-doté » en hypermarché. La densité commerciale des hypermarchés sur le bassin de vie de Vitré est de 923 m2/habitant, contre 502 m2/habitant dans le département et seulement 408 m2/habitant sur la France entière. Nous avons alors deux fois plus de surfaces d’hypermarchés que la moyenne française. 

Par ailleurs, les derniers chiffres de l’observatoire économique de l’Ille-et-Vilaine (CCI) indiquent, en 2019,  27 245 m2 de surfaces dédiées aux hypermarchés dans le pays de Vitré (Pour 18487 habitants dans la ville  centre) contre 15 632 m2 dans le pays de Fougères (Pour 20 747 habitants dans la ville centre). 

Ces chiffres confirment une offre atypique sur notre territoire en hypermarché. De notre point de vue,  l’agrandissement de cet hypermarché n’aura alors pas d’effet pour diversifier l’offre commerciale. 

 

Une offre déjà concentrée sur la ZAC de la Baratière 

Un autre point sur l’aménagement du territoire doit alors être souligné, celui de la concentration des  commerces au sein de la ZAC de la Baratière située au sud de la ville. Les 3 principales grandes surfaces de  la ville de Vitré sont situées dans le même zone. Cette concentration provoque alors des problèmes de  mobilité et des congestions sur les boulevards urbains au sud de la ville. Cette problématique a d’ailleurs  été soulevée comme un des motifs au projet du contournement routier de notre ville (abandonné depuis). 

Par ailleurs, avec près de 700 logements prévus dans la ZAC des Ormeaux, l’extension de notre ville est  en cours au nord et non au sud de la ville. Il faut ajouter à cela le manque d’offre commerciale, tous secteurs confondus, à la fois au nord et à l’est de la ville. Ce déséquilibre est palpable chez les habitants. 

Augmenter l’offre dans le sud de la ville ne ferait alors que renforcer un déséquilibre entre le nord et le sud  de la ville tout en complexifiant les problématiques de mobilité pour les habitants du pays de Vitré. La  temporalité de ce projet pose alors la question de sa pertinence.  

Une incohérence avec le programme « Action cœur de ville » 

En 2014, une consultation citoyenne a permis de constater que la préoccupation majeure des vitréens était la qualité et l’avenir de leur cœur de ville. 

Ainsi, depuis 2018, la ville de Vitré est engagée dans le programme « Action cœur de ville ». Ce dernier  est une démarche pluriannuelle en faveur de la revitalisation des centres-villes des agglomérations de  taille moyenne impliquant l’Etat, la caisse des dépôts et des consignations, le groupe Action logement  et l’agence nationale de l’habitat ainsi que divers autres partenaires locaux.  

Cette convention apporte des moyens supplémentaires à la collectivité tout en l’engageant sur sa  cohérence avec les politiques menées et les objectifs nationaux. Nous observons alors des  contradictions entre les engagements pris dans cette convention et le projet d’extension de cette  enseigne en périphérie de la ville.  

Un diagnostic a été mené et un avenant a été voté lors du conseil municipal en date du 14 décembre  2020. Dans ce document, accessible au grand public, un chapitre est consacré aux « défis liés au  commerce et au développement économique ».  

Dans ce dernier, il est indiqué que « les commerces du centre-ville et de la périphérie de Vitré doivent  être considérés comme complémentaires. En effet, l’offre est singulière et la nature même des cellules  commerciales disponibles renvoie à des usages bien distincts. Toutes les actions menées en matière de  commerce devront viser à renforcer cette complémentarité, gage de leur pérennité et de l’attractivité  du centre-ville ». 

En page 14 de la convention cadre, il est décrit : 

« Une évasion commerciale vers la périphérie (notamment des franchises de prêt à porter qui  généraient un flux important ou de commerces de bouche de type boulangerie) entrainant dans  certaines rues la fermeture de commerces « en cascade ».

« L’équilibre entre les commerces de centre-ville et les commerces de périphérie est fragile et nécessite  une plus forte différenciation par une montée en gamme des produits vendus dans les commerces  de centre-ville » 

Or, le projet d’extension étant essentiellement justifié par l’augmentation de la vente des produits  locaux sur ses étals, il pourrait alors nuire à cette différenciation et donc limiter la montée en gamme  des produits vendus dans les commerces du centre-ville. Cette conséquence serait alors contraire aux  préconisations écrites dans la convention « Action cœur de ville » 

En page 20, il est également rappelé les objectifs du PLU de la ville de Vitré indiquant notamment  comme objectif « d’éviter de disséminer les centres commerciaux sans une étude plus précise ».  

Il est à noter sur ce dernier point, que l’agrandissement de cette surface commerciale n’a pas fait  l’objet d’un débat préalable (avant la CDAC) en commission commerce ou en commission « développement économique » à Vitré communauté. Nous n’avons donc pas eu accès à ces  potentielles études précises.  

Par conséquent et de notre point de vue, nous considérons que ce projet n’est pas compatible avec les  enjeux à moyen et long terme de notre ville. Ilrisque de déséquilibrerl’offre en périphérie et en centre ville. Les politiques locales peuvent structurer notre économie tout en laissant la liberté de choix  d’installation des différents commerces. Les élus locaux peuvent alors agir car les deux ne sont pas  indissociables. 

Au contraire, si nous souhaitons créer une véritable complémentarité entre la périphérie et le centre ville, il nous faut alors dépasser les stratégiques économiques à court terme en privilégiant la qualité  et la pérennité des emplois créés, la protection de notre environnement et la cohérence dans  l’aménagement de notre territoire.  

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées. 

Erwann ROUGIER et Carine POUËSSEL