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[Intervention] L’extension des grandes surfaces en périphérie menace notre cœur de ville !

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Lors du conseil municipal de Vitré du 19 avril 2021, nous avons souhaité réagir à l’agrandissement d’une grande surface à Vitré. L’occasion de rappeler notre vision en matière d’urbanisme. 

L'intervention complète

« Notre temps d’expression concerne l’économie, l’aménagement du territoire, la revitalisation de notre cœur de ville et la conséquence d’un développement des moyennes et grandes surfaces commerciales dans notre ville.
 
Principalement associé au développement des villes moyennes, il s’agit là d’un enjeu économique, environnemental et climatique important. Nous souhaitons l’évoquer car nous avons été interpellés par l’autorisation (d’agrandissement) de 1 000 m2
d’une grande surface à Vitré. Cette décision, rappelons-le, est un choix politique, un choix politique assumé au sein de la Commission départementale d’aménagement commercial, dans laquelle siégeait 7 personnes, dont des représentants de la ville de Vitré, de Vitré Communauté, du Département et nous regrettons vivement cette décision car elle se situe à contresens des orientations politiques nationales mais aussi, à contresens de l’analyse de notre précédent Maire qui, en fin de mandat je
m’en souviens, avait évoqué l’idée de bloquer tout développement commercial supplémentaire en périphérie.
 
Faire autrement, c’est possible, changer de cap, c’est possible, à condition d’en avoir un, d’avoir une analyse sur l’aménagement du territoire qui soit factuelle et cohérente avec les discours.
 
Depuis des années, notre cœur de ville souffre, son attractivité est un enjeu, pour ne pas dire l’enjeu principal de notre ville. Situer à proximité de celui-ci, le développement des grandes surfaces a eu pour conséquence directe une dévitalisation de notre centre-ville. En Bretagne, alors que la tendance
annuelle du nombre de salariés est croissante dans les couronnes périphériques des villes moyennes, de + 0,48 % par an, elle est négative, de – 1,28 % par an, dans les centres villes.
 
Continuer à développer des grandes enseignes, c’est mettre aussi en danger certains emplois. Dans le bassin de vie de Vitré, qu’en est-il ? Nous sommes bien dotés, même « sur dotés » en hypermarchés. La densité commerciale des hypermarchés sur le bassin de vie de Vitré est de 923 m2/habitant, contre 502m2/habitant dans le département et seulement 408 m2/habitant sur la France entière. En bref, nous
avons 2 fois plus de surfaces d’hypermarchés que la moyenne française. Vous entendre alors justifier, dans la presse, votre choix au motif d’une diversité de l’offre est alors selon nous une erreur d’analyse factuelle.
 
Les conditions de travail des salariés, qui peuvent être évoquées légitimement dans ce projet, est un élément majeur et c’est un élément que nous considérons car le bien être du salarié passe au- dessus du bien-être de notre économie, cela doit être une priorité. Lorsque l’on sait qu’un agrandissement a pour conséquence 5-000 € de parts de marché supplémentaires/m2 dans ce domaine, nous doutons que les conditions de travail des salariés soient la motivation principale.
 
D’autres alternatives existent, elles auraient pu être à taille humaine, elles auraient pu être respectueuses avec notre projet commun, celui de conserver notre cœur de ville. Ce mode de développement issu des années 60-70, correspond à une stratégie économique à court terme des communes, privilégiant l’attrait des investissements privés sur le territoire face à la qualité et la pérennité des emplois créés ou la protection de l’environnement, qu’il s’agit aujourd’hui de dépasser.
 
Le politique peut structurer notre économie tout en laissant la liberté de choix d’installation des différents commerces, le politique peut agir, les deux ne sont pas indissociables. Ce modèle a aussi une influence sur l’utilisation des voitures individuelles, l’étalement urbain, l’artificialisation des terres ainsi que sur la logistique d’approvisionnement de la grande distribution, toutes sources d’émissions de gaz à effet de serre. Depuis des semaines, nous parlons « Mobilités », nous parlons « congestion » et nous continuons pourtant à concentrer toute l’activité économique et toute l’offre commerciale alimentaire sur Vitré, et pire encore, au même en droit sur Vitré, au niveau de la zone de la Baratière.
 
Alors, pour y remédier il y a eu des actions, l’Etat a lancé en 2018 le plan « Action cœur de ville » et comme 222 communes, Vitré perçoit de l’argent pour revitaliser son centre-ville, pour libérer les initiatives, pour protéger nos commerces de proximité : où est aujourd’hui notre cohérence à vouloir à la fois revitaliser
le centre-ville et à la fois animer ce qui a provoqué la dévitalisation des centres-villes.
 
Ma question : avez-vous fait des études d’impact de ce projet sur le commerce de centre-ville ? Faire autrement c’est possible, nous l’avons dit, c’est un choix, ce choix la ville de Lannion l’a fait en refusant, dans son département, une extension du même type. Il s’agit de se renseigner pour voir qu’il y a un autre choix politique possible. Revitaliser le centre-ville, c’est le rendre plus attractif, il faut que les gens aient envie d’y flâner, il faut le rendre plus accessible. Il y a eu des choses de faites, il y a eu le dispositif « nurserie commerciale » que nous pourrions peut-être étendre, il y a eu en discussion « les zones commerciales protégées » qui est un outil puissant pour protéger la pérennité des cellules commerciales, il y a toute la réflexion autour des mobilités douces, de son accessibilité au centre-ville, nous pourrions très bien
intégrer la culture et la vie associative dans le centre-ville. Je pense que nous pourrions nous retrouver là-dessus.
 
Mais comment être cohérent demain si nous continuons à entretenir un modèle qui a détruit le centre-ville. Et je le dis, en conclusion, il ne faut pas opposer les 2 modèles : aujourd’hui, il n’y a pas de consommateurs achetant uniquement dans le biologique et d’autres achetant uniquement dans les grandes surfaces. La plupart des consommateurs font un peu des deux et tant mieux car il faut privilégier la diversité de l’offre. Mais les deux peuvent se cumuler, elles peuvent être cohérentes, elles
peuvent se compléter, il ne faut surtout pas les opposer. Et là, clairement, il y a un déséquilibre, la ville de Vitré doit changer de modèle et d’ailleurs, je le dis, il n’est pas impossible que dans les prochaines semaines, les prochains mois, l’Etat viennent frapper à notre porte en disant qu’il y a des projets en périphérie qui font mal au centre-ville. La loi le permet, le Préfet a l’autorité pour défendre les
commerces de centre-ville s’il voit qu’un projet en périphérie met à mal la vitalisation du centre-ville.
 
Je crois que nous avons plein de ressources mais soyons cohérents. »
 
Erwann ROUGIER