Le texte complet de l'intervention
Nous voulions consacrer ce temps de parole à un sujet qui fait l’actualité de notre ville : celle de la fermeture de l’accueil de nuit du service des urgences de Vitré. Cette nouvelle a touché légitiment les vitréens. Elle a fait réagir les vitréens. Cette situation nous interroge sur notre capacité à attirer des médecins aux spécialités qui nécessitent des gardes mais pas que. Elle interroge notre avenir et plus globalement l’avenir de l’accès aux soins pour toutes et tous.
Cette question dépasse les urgences. C’est une sorte de boite de Pandore que cette
situation ouvre, à savoir et disons-le clairement : le maintien de l’offre de soin sur le pays de Vitré dans les prochaines années. Nous souhaitons donc par cette tribune à la fois sonner une alerte sur l’accessibilité aux soins, sur l’hôpital mais aussi faire un appel à une plus forte mobilisation des élus locaux sur cette question de la santé et de l’hôpital. Car nous considérons, aujourd’hui que c’est la résignation, voir l’indifférence des élus locaux qui s’est manifestée ces dernières semaines dans le pays de Vitré. C’est aujourd’hui en tant qu’élu que je parle mais aussi en tant que soignant, indigné mais résilient.
Avant toute chose rappelons-le : la problématique vitréenne pour trouver des médecins urgentistes n’est pas simplement locale mais régionale et nationale. 80 : C’est le nombre de postes vacants de médecins urgentistes en Bretagne. Des tensions existent également dans nos hôpitaux voisins qui pourraient demain être confrontés à prendre la même mesure.
L’équipe médicale a du se satisfaire de la moitié de ses effectifs pendant plusieurs mois. Ce n’était donc plus tenable. Pendant plusieurs mois, l’établissement et surtout l’équipe médicale des urgentistes mais aussi les paramédicaux ont fait des efforts considérables pour repousser cette décision. Retour de congés, annulation des congés, semaine à 48 heures, solidarité entre médecin : les professionnels et l’établissement ont pris leur part. Aujourd’hui, notre hôpital est un véritable atout pour le territoire. A nous élus, de prendre notre part, toute notre part.
Cette pénurie de médecin était pourtant prévisible car annoncée. Cette pénurie n’est pas simplement la conséquence d’une année blanche d’une formation des urgentistes mais à la fois d’une régulation des effectifs médicaux en France désastreuse depuis 50 ans mais aussi d’une politique de l’hôpital axée sur une politique d’économie et de tentative de rendre rentable, en vain, le soin. Le mécanisme est universel : celui d’une absence de vision à long terme.
Notre pays n’a pas pris la santé comme un enjeu d’avenir. Notre pays vieillit et n’a
pas anticipé la demande de soin croissante. Notre pays n’a pas augmenté le numérus clausus à temps, n’a pas anticipé les 10 ans nécessaires pour former nos médecins. Et dans le même temps, la santé a été rangée dans un tiroir, dans celui des économies à faire.
Nous avons dépolitisé la santé. Oter la santé aux politiques pour les donner à des
gestionnaires et d’ailleurs avec le consentement des politiques eux-mêmes. Nous avons demandé aux hôpitaux de devenir rentable avec la tarification à l’activité au début des années 2000. Nous avons créé les agences régionales de la santé, des mégastructures dans lesquelles les élus sont au second rang.
Ces politiques au responsabilité, à la fois la droite au pouvoir, comme d’ailleurs la gauche de François Hollande l’ont approuvée. Vous, Madame Le Callennec comme d’ailleurs Monsieur Méhaignerie, en tant que député mais aussi en tant que membre ou représentant des affaires sociales, vous avez hoché la tête sans broncher, ou du moins, pas trop fort, à l’assemblée nationale. Que ce soit avec le projet de Nicolas Sarkozy, de Monsieur Fillon, de Monsieur Macron et de Monsieur Hollande : Qui n’a pas entendu que nos fonctionnaires coutaient trop chers ? Ces mêmes fonctionnaires en blouse blanche que la classe politique applaudissait en mars dernier ? Merci le COVID-19. Résultat : Nous sommes démunis par des politiques passées que vous avez vous-même soutenues. J’ai moi-même soutenu lors de mon premier engagement, à mes 19 ans, François Hollande qui n’a définitivement rien fait et laissé faire. Alors la question n’est pas ici d’avoir des excuses, des mea-culpa mais de se rattraper et d’agir.
« Gouverner, c’est prévoir » disait Emile de Girardin. Et pourtant quel est le reflexe premier des élus locaux : la résignation. « Mais enfin, on ne peut rien faire », « On fait notre maximum, ce n’est pas notre compétence », « Nous n’avons pas le choix », « Nous, on se bat déjà pour la rénovation de l’hôpital, le reste c’est difficile ». Lors de la fermeture des commerces pendant le confinement et alors que ce n’était pas du rôle des mairies, nous avons vu les élus locaux se mobiliser, crier, s’indigner et ce dans tous les médias.
Où est cette indignation lorsqu’il s’agit de leurs hôpitaux ? Lorsqu’il y a des manifestations en France mais aussi à Vitré pour la défense des services publics, où sont les élus locaux avec leurs écharpes lorsqu’il s’agit de leurs hôpitaux ? Comment se fait-il qu’aucun des élus locaux de Vitré Communauté ne se soit exprimés publiquement au sujet de cette fermeture ?
Pourquoi cette indignation sélective ? Comment expliquer, même, que certains ont voulu enlever la pétition en cours des mairies ? Pourquoi nous en sommes arrivés là ?
Et bien nous le disons ici : Oui nous, élus locaux, nous pouvons agir. Oui, nous pouvons nous mobiliser. Et associer les citoyens à cette mobilisation.
En tant qu’élu locaux, activons les leviers que nous pouvons activer pour à la fois attirer les médecins libéraux et hospitaliers mais aussi favoriser et faciliter la vie des soignants.
Agissons en faisant en sorte de mieux articuler la médecine de ville et la médecine de
l’hôpital. Nous proposons de relancer le débat, celui qui consiste à rapprocher physiquement la maison médicale de garde, voir le centre de santé, du service des urgences. Voir même l’intégrer dans les locaux le soir et les week-ends. Des locaux d’ailleurs déjà disponibles. Au-delà du côté pratique pour les habitants de vitré communauté, ce partenariat permettrait également aux médecins et futurs médecins urgentistes de se recentrer sur leur cœur de métier : l’urgence.
Agissons en faisant en sorte de continuer à développer le partenariat entre notre hôpital et le CHU en développant les postes partagés médicaux. Partenariat d’ailleurs déjà en cours mais qu’il faut soutenir.
Agissons en faisant en sorte par exemple de faciliter la vie des soignants aux horaires
décalés. Nous y reviendrons tout à l’heure mais pourquoi pas ne pas créer une crèche
municipale à horaire atypique dans laquelle les soignants pourraient y faire garder leurs enfants ?
Agissons en continuant à nous battre collectivement pour la rénovation de notre hôpital.
Des signaux positifs ont été lancés par l’ARS sur ce projet. Continuons à coordonner les acteurs autours de cet enjeu.
Et enfin, agissons en nous rassemblant, en envoyons un message fort et puissant à l’ARS et au gouvernement : celui de dire, nous élus locaux, nous citoyens d’une ville de taille moyenne, nous tenons à notre hôpital, au maintien de l’ensemble de ses services et nous vous demandons d’agir en ce sens.
C’est pour cela que je propose ici, que nous puissions organiser une marche citoyenne, apolitique, en début d’année 2021, qui aura pour but de montrer notre attachement à notre hôpital.
Indignons-nous. Agissons et rassemblons-nous.
Merci.
Erwann ROUGIER