[Intervention] Réfugiés à Vitré, organisons la solidarité !

Lors du conseil municipal du 17 mai 2021, nous avons souhaité dédié notre tribune à une famille réfugiée sur Vitré. L’occasion d’évoquer notre vision de la solidarité en la matière. 

Extrait en vidéo disponible en cliquant ici (A partir de 28:20 minutes)

Conseil municipal du 17 Mai 2021 – YouTube

L’intervention complète :

« Cette semaine j’ai été interpellée au lycée Bertrand d’Argentré en tant qu’élue par une de nos conseillères principale d’éducation très préoccupée par la situation d’un élève originaire d’Arménie mais membre de la minorité religieuse des Yezidis. Cette communauté kurdophone a notamment été connue pour avoir été la cible de l’État Islamique en Irak.

Cet élève et sa famille sont arrivés sur le territoire français en 2017. Ils ont vendu tous leurs biens pour se payer le voyage. Après un court séjour près d’Amiens à Doullens, puis en Région Parisienne, ils sont arrivés à Vitré. Ce lycéen a aussi un frère scolarisé au collège Gérard De Nerval de 16 ans et le petit dernier de la fratrie a un an et demi. Déboutés de leurs demandes d’asile, le CADA (Centre d’Accueil pour demandeurs d’asile) leur a demandé de quitter leur logement au 31 mai (après la fin de la trève hivernale). A partir du 30 mai, si rien n’est fait, ils devront appeler le 115 chaque jour pour savoir où ils dormiront.

En effet, leur demande d’asile ayant été déboutée, le CADA ne peut plus les aider. Ils ont alors effectué une demande de logement à la ville de Vitré, Rennes sans solution concrète. Compte tenu du fait qu’ils soient déboutés, le CDAS n’a pas pu les aider non plus. Ils vivent donc avec une épée de Damoclés au dessus de leur tête, risquant une expulsion.

Le texte de la loi Asile et immigration du 10/09 2018 contient plusieurs mesures restrictives visant à accélérer l’étude des demandes d’asile, mais aussi à faciliter l’expulsion des personnes déboutées. Il maintient notamment le placement en centre de rétention des mineurs dont les parents sont expulsables .

Cette politique d’immigration repose sur un paradoxe: on durcit les mesures mais on les assouplit lorsqu’on y trouve un intérêt économique. En effet cette loi ouvre la possibilité pour les demandeurs d’asile de travailler dès six mois après le début de leurs démarches (contre 11 mois auparavant). Chacun sait que les entreprises en manque de main-d’œuvre recrutent de plus en plus de travailleurs réfugiés dans le bâtiment notamment.

Exemple dans le journal de Vitré de cette femme travaillant en CDI en EHPAD ne comptant pas ses heures pendant la pandémie et parfaitement intégrée, mais elle aussi déboutée et soumise à un OQTF…(Obligation de Quitter le Territoire Français)

Les règles de l’immigration sont brutales. ‘On ne peut pas prendre toute la misère du
monde ‘ a dit le président de la République Soit, mais ces familles sont installées sur le territoire depuis plusieurs années et on scolarise les enfants de ces mêmes familles dans les écoles de la République.

Ces règles ne prennent pas en compte leur investissement et leur volonté d’être intégrés dans la société, en somme leur humanité.

En effet, le lycéen dont je vous parle est bien intégré, joueur de football à la Vitréenne, délégué de sa classe, il a aussi participé à la Cérémonie d’Éloquence cette année et gère les démarches administratives pour sa famille. Il m’a d’ailleurs impressionnée par la qualité de son français et sa connaissance des méandres administratives. L’enseignante que je suis s’est retrouvée à se faire dicter des sigles d’organismes dont elle n’avait même pas connaissance !

Son père a effectué diverses démarches pour travailler, mais un fois encore notre administration se révèle paradoxale. Alors que le père de ce lycéen demande à la préfecture une autorisation de travail, on lui répond qu’il lui faut une promesse d’embauche. Puis lorsque celui-ci accompagné de son fils démarche les agences d’intérim, pôle emploi et diverses entreprises, on lui répond que son niveau de français n’est pas suffisant ! Les parents de ce lycéen prennent pourtant des cours de français au centre social et auprès du Secours Catholique mais chacun sait que pour apprendre une langue il faut être en immersion, et on a donc besoin d’un contexte
professionnel ou scolaire pour pouvoir apprendre la langue. Ce père de famille a aussi été bénévole aux Restos du Coeur. La mère, elle aussi, participe activement aux activités du centre social, dans le quartier maison rouge.

Que ferions-nous si nous étions à leur place ? Cette famille ne PEUT manifestement pas rentrer en Arménie, c’est aussi simple que ça. La minorité Yezidi n’a pas de pays me dit ce lycéen, et c’est bien là tout le problème. Les services de la préfecture lui ont déclaré que l’Arménie était un pays en paix.

Cependant le statut des minorités n’est pas pris en compte.
Concrètement le 31 mai cette famille peut se retrouver à la rue. Il y a donc urgence à agir. Le risque c’est que les enfants se retrouvent déscolarisés et déracinés à nouveau.

Vitré a toujours été connue comme Terre d’accueil et solidaire par son histoire, ouverte sur le monde.

Sa Diversité a été mise à l’honneur lors de sa Fête de toutes les Couleurs avec ses 22
nationalités représentées. Vitré commune de moins de 20000 habitants, ne compte pas moins que 52 nationalités différentes.

La Solidarité vitréenne est visible de part la mobilisation des habitants comme l’association APUI, le Secours Catholique et l’action du Centre Social.

Autre dispositif : Le CLPS – Centre de Formation pour adultes- a expérimenté sur Vitré un dispositif unique d’accompagnement des réfugiés, Ce programme mixte l’insertion sociale, l’accès au logement et un projet professionnel vers les métiers de l’industrie.

Les vitréens, soutenus par la municipalité avait su se mobiliser collectivement pour une famille Albanaise, elle aussi menacée d’expulsion il y a 3 ans. Enseignants, parents et camarades de classe s’étaient mobilisés pour soutenir la famille. Une marche de soutien avait été organisée. La mobilisation avait porté ses fruits puisque le préfet d’Ille et Vilaine avait décidé de suspendre la procédure d’expulsion.

Ainsi en tant qu’élu, qu’enseignante mais avant tout en tant que Vitréenne, je vous
propose de nous mobiliser, avec votre soutien Mme Le Callennec pour appuyer une
demande de recours auprèsdu préfet et leur donner accès à un logement.

Je finirai avec un extrait du discours prononcé par Victor (prénom modifié de ce lycée pour préserver son anonymat) lors de la dernière cérémonie d’Eloquence Organisée par le collège Rosa Parks en lien avec l’association Mediaparks .Cette Cérémonie d’éloquence a pour but de permettre à des élèves et étudiants de s’exprimer sur des questions de citoyenneté, de vivre-ensemble ou d’ouverture aux autre Pour y répondre, chaque participant prend la parole dans l’Opéra de Rennes, cette année sur le thème “moi et les autres”

Victor avait (justement ) choisi la confiance !

« Pour faire confiance aux autres il faut avoir confiance en soi, pour avoir confiance en soi il faut avoir confiance aux autres »

Je remercie Victor pour sa confiance ainsi que mes collègues du lycée Bertrand, tout
particulièrement sa professeur principale et l’équipe des CPE du lycée qui font leur maximum pour que des enfants tels que Victor aient le meilleur suivi possible.

J’ai toute confiance en la solidarité vitréenne, merci pour votre écoute.

Carine POUËSSEL