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Conseil Municipal de Vitré du 27 février 2023 « Mme la Maire, vous ne rendez pas service aux vitréens ! »

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Retrouvez ci-dessous l’intervention d’Erwann ROUGIER et Carine POUËSSEL lors du conseil municipal du 27 février 2023 :

« Où et comment faire la ville de Vitré dans les 20 ou 30 prochaines années ?

Voici la question que nous souhaitons soulever ce soir car, si à cette question, complexe, nous n’avons pas l’ensemble des réponses, celles que nous avons ne sont pas les mêmes que les vôtres car nous avons une vision différente de l’avenir et, sans doute, de l’essentiel.

76,3 hectares et 454 hectares, ce sont les surfaces consommées respectivement par Vitré et Vitré communauté entre 2011 et 2020, soit l’équivalent de 104 et 624 terrains de foot. Nous sommes l’un des territoires du département d’Ille-et-Vilaine qui consomme le plus de terres, juste derrière Rennes qui, malgré son nombre d’habitants, a consommé 500 hectares, soit légèrement plus que nous.

En France, 68 % des sols artificialisés le sont pour construire des logements et 25% pour le développement économique. Si cette proposition est sensiblement la même pour Vitré communauté, elle est différente pour Vitré. 50% des terres pour l’habitat. 50% des terres pour l’économie. Ces chiffres sont d’autant plus marquant que la dynamique d’artificialisation des sols est quatre fois plus rapide que l’évolution de la population.

Les raisons ? Notre économie, basée sur l’industrie, très gourmande en terres agricoles mais aussi notre politique d’habitat. Vitré aurait donc une excuse, celle de notre dynamisme économique. Je pense notamment à la base logistique d’Intermarché à Erbrée ; 67 000 m2 ou encore plus récemment à l’entreprise IDEMA avec près de 8000 m2. Nous serions donc dopés et dépendants à nos terres agricoles pour nous développer, pour nous loger, pour nous mouvoir.

Alors, même que nous savons que cette dynamique n’est pas viable, aucune alternative ne serait possible. Évoquer, ne serait-ce que la protection de nos sols, serait alors un discours rétrograde, un discours qui s’opposerait à notre développement économique.

Pourtant, nos sols remplissent ou pourraient remplir de multiples fonctions qui nous sont vitales : Préserver les sols, c’est préserver une agriculture de proximité, développer notre autonomie alimentaire et l’alimentation locale dans nos cantines, c’est améliorer la gestion du cycle de l’eau pour réduire les conséquence des évènements extrêmes, c’est maintenir des puits naturels de carbone. Enfin, préserver nos terres, c’est agir pour le maintien et le retour de la biodiversité du vivant sur notre territoire.

Un pas en avant a été fait avec la loi dite « Climat et résilience ». Dans celle-ci, il est imposé aux collectivités de diminuer par deux la consommation des terres entre 2021 et 2031 par rapport à la consommation réalisée entre 2011 et 2020.

Concrètement, Vitré Communauté a consommé 454 Ha de 2011 à 2020. Elle ne devra en consommer que 227 HA entre 2021 et 2031. Et en 2050, 0 !

Si cette loi demeure parfois complexe avec ses limites et ses contradictions, s’y opposer sur son principe, la ralentir sur son intégration dans les documents d’urbanisme comme vous le faite Mme la maire, n’est pas une posture adaptée aux enjeux du moment. Une loi « qui impact négativement l’attractivité des communes » ou encore « l’avenir » de la région Bretagne. Ce sont vos mots dans un projet de délibération à la région. Dans son rapport du 24 mai 2022, la SAFER constatait que 10 % de la surface agricole de la France métropolitaine a été artificialisée, soit une perte équivalente à la surface de la région PACA en cinquante ans ! Plus grave encore : les villes et les infrastructures qui les relient se trouvent au milieu de plaines fertiles et nourricières et ce sont donc les sols les plus productifs qui sont artificialisés.

Contourner cette loi en accélérant les projets gourmands en terres agricoles n’est pas, non plus, une bonne idée et ce pour une bonne raison : Depuis janvier 2021, le compteur tourne ! En consommer des terres pour construire, par exemple, près de 556 places de parking et un nouveau cinéma bd de Laval, vous ne rendez pas service aux vitréens. En autorisant l’extension des zones d’activité et des zones commerciales, vous ne rendez pas service aux vitréens.

Vous ne rendez pas service aux vitréens car en continuant à grignoter ces hectares, ce sont des hectares en moins que nous aurions pu consacrer à l’agriculture pour notre cuisine centrale et nos cantines, à une école publique au nord ou encore à des logements collectifs.

Notre bassin de vie pourrait se convertir vers le maraichage plutôt qu’uniquement vers l’élevage par exemple. Nous avons des terres fertiles, ne les gâchons plus! L’histoire même de Vitré prouve que la culture est dans notre histoire.

Nous pourrions même flécher nos terres pour nourrir nos enfants et nos ainés en créant une ferme municipale. De la santé dans nos assiettes, de l’emploi dans nos champs. C’est du gagnant/gagnant !

Récemment des agriculture manifestait en s’indignant que nos légumes étaient trop importés. Ils ont raison ! L’alimentation des Français dépend de 9 millions d’hectares de terres agricoles situés à l’étranger, soit l’équivalent du tiers de la surface agricole nationale ! L’artificialisation de nos terres en est une des causes principales !

Vous allez me répondre que des projets de densification existent déjà pour l’habitat, à la Baratière, zone des Artisans mais l’ensemble de ces efforts sont d’or et déjà annulés, neutralisés lorsque vous autorisez en une seule délibération, l’artificialisation de plusieurs hectares boulevard de Laval ou encore plus récemment à Chateaubourg , zone de la Poultière, au nom de Vitré communauté. Votre politique manque de cohérence. C’est ce que nous regrettons.

Oui, les communes sont depuis des décennies dépendantes au sol agricole comme notre économie l’est aux énergies carbonées. Oui le sevrage est difficile surtout lorsque la demande en logement augmente. Alors oui, c’est compliqué. Alors oui, c’est complexe.

Mais si cette loi, avec tous ses défauts, nous permet de transformer en profondeur les perceptions et les pratiques vers un aménagement plus sobre de notre territoire, alors nous considérons qu’elle peut être une opportunité car des alternatives existent.

Un autre développement territorial est possible, qui part de l’existant et des dynamiques démographiques et économiques réelles. C’est pour cela que nous militons pour la création d’un PLU intercommunal depuis des années pour nous permettre une politique globale sur le territoire et une cohérence. Des PLU dans chaque commune réalisés de manière indépendante aux communes voisines, cela n’a plus de sens aujourd’hui. C’est pour cela d’ailleurs, que nous nous étions exprimé sur le bien fondé que la présidence de Vitré communauté ne soit pas systématiquement détenue par le ou la maire de la ville centre.

Nous souhaitons également plus de transparence et pour cette proposition, nous soufflons l’idée à la conseillère régionale que vous êtes Mme la maire. Il existe un acteur indispensable, les Safer (Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural) dans chaque département français. C’est l’organe qui régule le marché foncier agricole. Comme l’indique Lucile LECLAIR, journaliste dans un article OF « Cet organe est plus vulnérable que lors de sa création en 1960. Au départ, elles étaient financées à 80 % par des fonds publics. À partir des années 1980, ces aides publiques ont commencé à diminuer, jusqu’au coup de grâce en 2017. Depuis, les Safer se financent à hauteur de 2 % par de l’argent public, qui provient des Régions ; à 8 % grâce à des expertises qu’elles mènent pour les collectivités territoriales. Et le reste, ce sont les commissions qu’elles touchent sur les ventes. Elles sont juges et parties, ce qui fait leur fragilité » Pourquoi, Mme la maire, ne pas proposer que l’ensemble des réunions publiques de la SAFER ne soient ouvertes au public par exemple ?

En mettant en réseau les entreprises actuelles, en répertoriant les friches sur notre territoire, en ouvrant le débat à l’ensemble des acteurs, nous pouvons réussir cet objectif. Alors oui, laissons plus de temps aux débats pour permettre la nécessaire prise de conscience des élus, professionnels et citoyens, mais accélérons le passage à l’acte. Vous l’avez compris Mme la maire, protéger nos terres agricoles, c’est rendre service aux vitréens ! »