You are currently viewing « Les services publics craquent, leurs usagers et agents craquent, et pourtant, jamais nous n’avons eu autant conscience de leur importance. »

« Les services publics craquent, leurs usagers et agents craquent, et pourtant, jamais nous n’avons eu autant conscience de leur importance. »

  • Temps de lecture :9 min de lecture

Vous trouverez ci-dessous l’intervention des élus « Vitré, solidaire et écologique », Erwann ROUGIER et Carine POUËSSEL lors du conseil municipal de Juillet 2022.

« Notre intervention ce soir portera sur la valorisation du travail et des compétences des agents exerçant au sein de notre collectivité puis sur l’avenir de notre hôpital public.

Face à la crise sanitaire, notre pays et notre système de santé n’ont tenu qu’à un fil. Au dévouement des infirmiers, des aides-soignants, des médecins de l’hôpital public, des agents de service hospitaliers, des aides à domicile parfois épuisés. Au sens du devoir des enseignantes et enseignants de l’école publique, qui ont accueilli les enfants dans des conditions difficiles. A l’abnégation des agents des transports publics, du nettoyage, aux travailleurs et aux travailleuses sociales. La liste est longue, de ces agents et services publics grâce auxquels le pire a été évité.

Tiennent-ils encore, tiennent-ils vraiment ? Ces services publics qui font notre quotidien se dégradent depuis des années, et avec eux l’accès aux droits fondamentaux. Les premiers à en souffrir ont été les personnes les plus démunies ou en situation de handicap. Puis, les habitants des quartiers populaires ou des territoires ruraux qui ont subi les reculs en cascade.

A Vitré, ce recul est comme ailleurs palpable, comme en témoigne la décision de la CAF de fermer ou de réduire très fortement leur permanence comme celle de Vitré, comme en témoigne l’accès régulé aux urgences de Vitré désormais par le 15, comme en témoigne la très forte difficulté à recruter des enseignants dans nos écoles, collèges et lycées ou encore des soignants dans nos établissements hospitaliers. Il ne faut pas oublier à cette longue liste, le transfert d’une partie des activités de notre centre des finances publiques à Fougères, les nombreux bureaux de poste fermés depuis plus de 10 ans dans le pays de Vitré ou encore le manque d’investissement dans nos écoles publiques et par conséquent des classes qui ferment.

Si pour certains, le service public est une charge et un cout. Rappelons que sans eux : pas d’économie, pas d’emploi, pas d’industrie. Sans infrastructure, sans réglementation, sans éducation : pas de relocalisations, pas de circuits courts, pas de virage écologique. Sans services publics : des services privatisés plus onéreux, plus inégalitaires, plus excluant.

En tant qu’élus locaux, nous alertons : nos services publics ont atteint un point de rupture historique, avec la population, avec leurs agents et avec l’avenir. Parce qu’ils constituent le socle de notre vie quotidienne, nous n’avons pas le droit de nous résigner. Si leurs dégradations résultent de choix politiques. Leur amélioration et leur refondation résultera également de choix politiques nationaux ET locaux.

Un des symptômes de cette crise est l’attractivité de ces métiers.  Ces derniers jours, le gouvernement a annoncé une hausse de 3,5% du point d’indice de nos fonctionnaires. Rappelons que si cette hausse est bien sûr une mesure que nous approuvons, cette dernière ne sera suffisante car trop de retard a été cumulé depuis des années. Ce point d’indice a été gelé de 2010 à 2016 puis de 2017 à 2022. Il faut associé à cela l’inflation.

Par conséquent, si nous croisons cette augmentation à l’indice des prix de la consommation réalisée par l’INSEE, en augmentation prévisionnelle de 5,5% cette année, le solde reste encore négatif.

Rappelons que la ville, sans compter Vitré communauté, ce sont entre 250 et 300 agents dont une grande majorité se situe dans la catégorie la moins rémunéré, à savoir la catégorie C.

Cette hausse ne va donc pas suffire pour améliorer l’attractivité de certains de nos métiers. Nous pensons notamment aux métiers du lien et par exemple aux aides à domicile qui connaissent une crise d’attractivité sans précédent.

Quelle que soit l’analyse que nous faisons, cette hausse va donc concerner les agents qui travaillent pour notre Ville mais aussi, le CCAS et Vitré communauté. Celle-ci va donc impacter notre budget de fonctionnement. En tant qu’élus locaux, nous n’avons pas eu connaissance d’éventuelles compensations de l’Etat, avez-vous donc pu évaluer l’impact sur notre budget ?

Inflation d’un coté, projets de la ville de l’autre: Cela pose une question politique que nous soulevons souvent : celle de vos priorités. Par exemple, Mme la Maire, êtes-vous prête, par exemple, à étudier l’ensemble des leviers à votre disposition pour améliorer la rémunération de nos aides à domicile via le CCAS ? Considérez-vous cela comme une priorité ou non ?

Un service public de qualité et pérenne c’est aussi des infrastructures. A ce titre, nous souhaitions intervenir une nouvelle fois sur la rénovation tant attendue de notre hôpital public mais aussi de nos EHPAD publics.

Notre intervention est une alerte, une sérieuse alerte que nous souhaitons vous adresser mais aussi et surtout adresser à l’ensemble de la population du pays de Vitré. Cette alerte, c’est un appel à la mobilisation générale.

Le 2 février 2018 était inauguré le nom de notre hôpital : Le CH Simone VEIL. Simone VEIL était à l’époque ministre de la santé et avait donc contribué la construction de cet hôpital route de Rennes en septembre 1985. Un choix politique donc. Un choix ambitieux pour notre territoire qui a contribué à sa vitalité.

37 ans plus tard, notre hôpital dispose de plus de 450 lits et places et 750 personnes font vivre au quotidien ce service essentiel. Mais voilà, notre bâtiment vieillit. Les chambres doubles ne sont plus conformes aux attentes légitimes des patients. Sans oublier, sa précarité en terme d’isolation qui rend les chambres étouffantes l’été et froide l’hiver.

Sa rénovation et sa modernisation est alors un véritable serpent de mer. N’importe quel soignant vous dira-qu’il en a toujours entendu parlé. Depuis des années, le personnel soignant comme administratif se bat et travaille pour faire en sorte que ce projet aboutisse.

En novembre dernier, en 2021, lueur d’espoir : l’ARS nous annonce une enveloppe de 10,8 millions d’euros pour sa modernisation et son extension dans le cadre du Ségur de la santé. Nous le savions, cette enveloppe ne couvrirait pas l’ensemble des couts mais il s’agissait d’un 1er pas en avant, significatif. Ce 1er pas est le fruit du travail et de la mobilisation du CH de Vitré et de son personnel.

Nous sommes en Juillet 2022 et nous avons besoin de voir, le second pas qui permettrait de concrétiser le projet. Ce second pas doit être impulsé par les politiques que nous sommes mais aussi et surtout par les citoyens et les acteurs économiques.

D’après la DRESS et un rapport publié en Juillet 2021, 221 maternités ont fermé. Le nombre de petites maternités est ainsi passé de 448 à 202. Dans onze départements ruraux, la totalité des femmes habitent à plus de 45 minutes d’une maternité de type 3. Cette année, une centaine de services d’urgence sont fermés ou menacés à moyen et long terme. A Guingamp, les habitants se battent pour maintenir leur hôpital public.

Je cite ces chiffres pour dire la chose suivante : rien est acquis. Aucun service hospitalier n’est acquis.

Oui, il y a un manque de médecin mais investir dans une nouvelle infrastructure, c’est une chance supplémentaire d’augmenter notre attractivité. Surtout quand on sait que la DRESS annonce une amélioration de l’effectif médical de manière progressive à partir de 2030. Cette amélioration pourra alors coïncider avec notre nouveau bâtiment. Vitré ferait alors un choix ambitieux. Celui d’être en avant-poste lors de l’amélioration de la démographie médicale.

Si nous n’avons pas la prétention d’être les portes-paroles des soignants et des patients, nous ne pensons pas nous tromper lorsque nous disons être profondément attachés à cet hôpital. Ce n’est peut-être pas d’ailleurs pour rien que plusieurs familles continuent à y travailler génération après génération.

Mme la maire, nous avons, c’est vrai, des désaccords sur les politiques nationales de santé menées ces dernières années et plus particulièrement sur l’hôpital public et son financement. En tant qu’ancienne députée, vous portez une responsabilité.

Mais compte-tenus des enjeux, il nous semble nécessaire de nous rassembler.

En effet, il est fort probable que la modernisation du CH de Vitré se joue dans les 12 mois qui viennent. A ce titre-là, nous appelons à la mobilisation générale, à une unité politique sur un objectif commun.

Je m’adresse alors à la majorité mais aussi aux deux autres groupes de l’opposition. Si nous avons des désaccords sur le plan national, nous pensons que sur ce projet de modernisation, nous pourrions alors constituer un groupe, dès la rentrée de septembre 2022. Celui-ci pourrait être alors constitué d’élus de toutes les sensibilités, d’acteurs économiques, associatifs mais aussi des commerçants.

Cela pourrait permettre d’avoir une dynamique de territoire pour dire à l’ARS, dire à l’État, dire au ministre de la santé que Vitré a besoin de cet hôpital.

Que combien même nous avons l’hôpital de Fougères, il faut être dans la coopération et non dans la concurrence.

Pour le faire, nous pensons nécessaire d’échanger entre-nous (élus) et surtout agir ensemble.

La seule condition pour que ce projet aboutisse passe par une unité politique, une unité syndicale et une implication forte des citoyens. Car oui, nous pensons indispensable que les citoyens s’engagent pour défendre ce projet.

Le but étant, in fine, de soutenir la direction du CH, les soignants et les patients qui attendent légitiment que ce projet voit le jour.

Les services publics craquent, leurs usagers craquent, leurs agents et agentes aussi, et pourtant, jamais nous n’avons eu autant conscience de leur importance.

Au-delà de la prise de conscience, il est temps de passer aux actes.

Erwann ROUGIER et Carine POUËSSEL

L'intervention en vidéo