« Vous êtes en train de vouloir tuer l’agro-alimentaire», «Adoucissez votre discours!» : En réponse aux propos de M. Linne tenus lors de la séance du conseil municipal de Vitré du 19 septembre 2022, repris dans le Ouest-France paru le 21 septembre 2022, nous souhaitons réagir.
Ce qui peut, comme l’indique M. Linne, « tuer » l’industrie agro-alimentaire aujourd’hui ce sont nos fragilités, notamment notre ressource en eau potable. Nous considérons que pour défendre la pérennité des emplois agro-alimentaires existants et garder nos industries vitréennes, nous devons limiter l’installation de nouvelles industries similaires. En effet, en concentrant trop d’entreprises du même type en Bretagne, nous mettons à mal nos réserves d’eau, c’est indéniable.
Nous pouvons conserver notre plein-emploi en diversifiant notre activité économique grâce à l’installation d’entreprises ou start-ups produisant localement dans d’autres secteurs d’activités comme l’artisanat, le numérique, le secteur de la réparation et du réemploi. Nous avons la chance de nous trouver dans un territoire propice pour le faire, avec une gare et une proximité avec des villes dynamiques.
Par ailleurs, il y a déjà un travail de fait par un certain nombre d’industries vitréennes, comme le réseau EVEIL, qui s’inscrivent dans la transition écologique en modifiant leur gestion et leur réutilisation de l’eau et en travaillant collectivement pour s’adapter aux enjeux climatiques.
Non, la transition écologique ne « tue » pas l’industrie, c’est avant tout un formidable levier de créativité et d’intelligence collective qui donne l’opportunité de réfléchir ensemble à comment produire différemment pour pouvoir prospérer et rendre notre territoire attractif en donnant du sens au travail. Comme le rappelait justement Lionel Le Mignant, du même groupe politique que M. Linne, dans ses propos introductifs du conseil municipal: « La quête de sens n’a jamais été aussi centrale au travail qu’aujourd’hui, en particulier pour les jeunes diplômés. »
Concernant ce projet industriel Bridor à Liffré, soyons lucides sur cette question.
Comment peut-on soutenir un projet qui viendrait consommer un peu moins de 200000 mètres cubes d’eau ? Selon Bridor, la consommation serait l’équivalent d’une ville de 6200 habitants. L’usine prévoit de s’étendre sur 21ha, 12 à 16ha seraient imperméabilisés alors que l’Ille-et-Vilaine est un des départements où l’évolution de la consommation de surfaces naturelles agricoles et forestières est déjà une des plus fortes sur ces dix dernières années. Or, l’imperméabilisation a un impact très important sur le milieu naturel par les répercussions sur les zones humides, le débit du court-d’eau et donc la gestion des eaux pluviales. Et que fait-on des terres agricoles qui vont encore disparaître ?
Et les emplois créés ici impliqueront des suppressions d’emplois ailleurs sur long terme. La viennoiserie industrielle étant déjà très présente en Bretagne, c’est tout le secteur de l’artisanat boulanger qui en pâtirait sur le long terme. Enfin, produire en Bretagne pour envoyer des croissants en Chine est un non sens, à l’heure où nous devons au contraire encourager la production locale en circuit court, comme le demande très légitimement les citoyens.
Nous avons donc besoin d’un débat serein sur le sujet, cessons d’opposer la transition écologique à l’économie. A l’heure où nous vivons une sécheresse inédite et qui va durer dans le temps, nous avons le devoir en tant qu’élus de nous poser les bonnes questions sans tomber dans des discours culpabilisants et caricaturaux.
« Adoucir » notre discours comme l’indique M. Linne lors de nos échanges en conseil, n’est pas le rôle d’un élu, mais plutôt de faire preuve de lucidité face aux enjeux à affronter par notre territoire.
Erwann ROUGIER et Carine POUËSSEL